Bois peint, acier, résines, émail, verre et avion philippin.
H.157, L.163, P.38 cm (1996).
(Construction Mertz), 1921
assemblage
36,7 x 21,5 cm
Philadelphia Museum of Art
(Collection A.E.Gallatin)
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Man Ray (voir sculpture 54)
a photographié Kurt Schwitters travaillant son Ursonate.
On peut entendre
le scherzo enregistré par l'auteur le 5 mai 1932
pour la Süddeutschen Rundfunk.
On peut aussi voir
le spectre de sa voix lorsqu'il récite le début de son scherzo.
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Pour présenter Kurt Schwitters, un des grands esprits du siècle,
né à Hanovre en 1887 et mort en Angleterre, très
pauvre, en 1948, il vaut mieux emprunter trois citations au texte qu'Harald
Szeemann lui a consacré dans le catalogue de l'exposition du centre
Pompidou en 1994.
De Kurt Schwitters : "Un jeu avec des problèmes sérieux.
C'est cela l'art".
"Nous jouons jusqu'à ce que la mort vienne nous chercher".
De Hans Richter : "Et c'est ainsi qu'il colla, cloua, écrivit
des poésies, typographia, vendit, imprima, composa, fit des collages,
déclama, siffla, aboya et aima, en hurlant, sans égard pour
personne, le public, une technique quelconque, l'art établi et
lui-même. Il fit tout et, le plus souvent, tout en même temps.
Son idée directrice fut moins l'uvre d'art totale dans le
sens de Ball ou de Kandinsky, la combinaison temporelle de tous les arts,
que de brouiller sans cesse les limites et d'intégrer les arts
les uns aux autres, y compris la machine dans l'art, en tant qu' "abstraction
de l'esprit humain", le kitsch, les pieds de chaise, le chant et le chuchotement.
En réalité, IL fut l'uvre d'art totale : Kurt Schwitters."
Personnalité la plus forte de DADA, il créa le mouvement
MERZ. Une de ses uvres les plus remarquables fut sa seule présence,
en 1933, à un dîner offert par l'Union de la Presse Allemande
au futuriste Marinetti. Toujours dans le catalogue du Centre Pompidou
nous avons une extraordinaire relation de ce banquet par Lucia Moholy-Nagy
qui y assista en compagnie de son mari et de Schwitters. Il y avait là
Hitler*, grand admirateur de Mussolini, Göring, Hess**, Goebbels,
Gerhart Hauptmann et Robert Ley, patron de l'organisation nazie "Kraft
durch Freude" (la Force par la Joie) qui se suicida lors
du procès de Nuremberg. Voisin de Schwitters, il dut écouter,
stupéfait, son beau délire. On peut regretter qu'il n'existe
ni enregistrement ni images de la fin du banquet, lorsque Marinetti hurlant
son poème "Der Überfall auf Andrianopel" tire la nappe
et renverse vin et vaisselle sale sur les genoux d'Hitler.
Kurt Schwitters s'exile bientôt en Norvège puis, à
l'arrivée des Allemands, s'enfuit en Angleterre où il arrive
le 19 juin 1940. Il est interné au camp Hutchinson, dans l'île
de Man, en compagnie de deux mille ressortissants Allemands, pour la plupart
intellectuels antinazis. Le camp devient, d'après l'écrivain
Fred Uhlman, l'une des meilleures universités d'Europe. Il rapporte,
dans son livre "Il fait beau à Paris aujourd'hui" que Schwitters
s'était construit une niche à chien juste assez grande pour
contenir son sommeil et que de temps en temps il en sortait pour aboyer
avec un timbre de basset allemand. Il poursuivait son activité
d'artiste en clouant du bois ou en peignant sur linoleum. Il exécutait
aussi des sculptures en porridge à l'odeur écurante.
On le voit ici aboyant hors de sa niche survolée par un avion allemand
qui vient de bombarder Liverpool.
*voir sculpture 33
**voir sculpture 63
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