Bois peint, émail, acier, cheveux, laiton, graines,RayBan,
minéral, cauris, fibres, silex taillé thébain,
raphia, ivoire, corne, carabine US M-1 et peaux diverses.
H.230, L.100, P.60 cm (1987-1997).

Boeing B-29 "Superfortress"
Moteurs 4 Wright R-3350-23 de 2 200 cv - Envergure 43 m.
- Longueur 30,18 m. - Hauteur 8,46 m. - Poids à vide
32 369 kgs - Poids en charge 49 896 kgs - Vitesse
575 km/h - Autonomie 5 230 km - Altitude 9 710 m
- Equipage 10 hommes - Armement 1 canon de 20 mm., 12 mitrailleuses
de 12,7 mm, 9 tonnes de bombes.
Cette
sculpture de 1987 avait pour titre "Papou, circa 1944."
Elle a participé à deux expositions.
Vers 1994, victime d'un cambriolage, on lui a arraché la tête
et scié les bras, afin d'emporter les deux têtes sculptées.
L'auteur, vexé, s'est remis à l'ouvrage dix ans après.
(Cliquez sur cette sculpture pour accéder
à une version agrandie)
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Cette sculpture, qui illustre une aventure, est en elle-même une
curieuse aventure. Exécutée en 1987 telle qu'on la voit
ci-contre puis exposée à Nantes, elle y séjourne ensuite dans
l'obscurité d'une cave de galerie d'art. Son auteur voulant la
récupérer dix ans plus tard, on s'aperçoit que de malfaisants
personnages ont décapité le Papou et se sont emparés des deux
têtes tenues à bout de bras, sans doute dans l'idée étrange de
les vendre. Piqué au vif, quoique assez flatté de ce vandalisme,
le sculpteur s'est remis à son établi pour redonner vie à ce
pauvre derelict. Et il a eu mille fois raison car le nouveau
Papou est beaucoup plus pimpant que l'ancien, et son histoire
beaucoup moins banale que la précédente. De simple assassin de
deux marines durant la Deuxième Guerre mondiale, nu et sans
relief, avec pour seul butin une petite caisse d'on ne sait
quoi, le voilà promu beau guerrier, sûr de lui-même et
dominateur, héros d'une meurtre et possesseur d'un trophée
autrement reluisants. Il éveille enfin, soixante ans après les
faits, un véritable intérêt.
Nous sommes le 23 avril 1944, près
d'Aitape, sur la côte Nord-Est de la Nouvelle-Guinée, occupée
par les troupes très décidées du Mikado. Le 163e régiment de la
41e division d'infanterie des États-Unis, dite Les Bouchers Mac
Arthur et débarquée la veille, progresse lentement dans la
jungle, à la grenade et au couteau. Le délicat surnom fièrement
adopté par la division du Brigadier General Doe lui a été donné
par une charmante speakerine anglophone de la radio japonaise,
très populaire sur tout le théâtre du Pacifique sous le nom de
Tokyo Rose. Il est vrai que cette division ne faisait
pratiquement plus de prisonniers depuis la découverte, sur des
Nippons capturés, de chair humaine et américaine, soigneusement
enveloppée dans des feuilles de bananier.
Mais revenons au
Papou, au moment où, sous une chaude et lourde pluie, dans la
touffeur tropicale, il rencontre pour la première fois un blond,
médecin militaire trempé, et occupé à l'aide d'une petite pelle
pliante vert olive à dégager sa jeep embourbée jusqu'à l'essieu.
Quatre jours que le Papou a quitté son domicile pour chasser le
cochon sauvage. Le débarquement de la veille et l'âpreté des
combats l'ont forcé à abandonner une traque prometteuse. C'est
donc de très mauvaise humeur qu'il tue puis décapite le médecin
qui ne l'a pas vu venir, et dont le destin nous touche : douce
enfance dans un ranch du Montana, scolarité sans histoire,
gentille petite amie, études de médecine à San Francisco,
fianailles après Pearl Harbour, puis le départ de la division
pour l'Australie, pour finir découpé en morceaux enterrés
rapidement près de la jeep, afin que le Papou vienne les
rechercher après avoir été saluer sa famille. La sculpture
représente le chasseur après son forfait, pour lui bien anodin.
Il s'est emparé de l'insigne médical de la jeep, d'un porte-clef
représentant un C-47, des Ray-Ban et de la
carabine USM1
du mort (une des 346.500 fabriquées par IBM), et il porte toujours sous
le bras la petite caisse du Papou précédent. ses pieds, un
chargeur et, on ne sait pourquoi, une pierre taillée ramassée
par l'auteur sur le chemin qui relie, à Louxor, le village des
artistes à la vallée des Rois. Cette pierre a donc vu passer, il
y a plus de trois mille ans, tous ceux qui ont laissé sur terre
l'empreinte d'une beauté étrange et altière, qui ne fut jamais
égalée. Il nous faut parler maintenant du B-29 qui s'apprête à
décoller dans le petit film immobile, au sommet de la sculpture.
Les formidables opérations combinées imaginées par Nimitz et Mac
Ar-thur pour remonter d'île en île vers le Japon avaient pour
principal objectif de raccourcir le temps de vol de ce B-29
Superfortress en lui établissant des terrains de plus en plus
proches du territoire ennemi, jamais survolé depuis le printemps
1942. Il fallait alors impérativement redresser le moral
améri-cain, que les succès en rafales des Japonais dans le
Pacifique avait fait tom-ber très bas. Ce fut donc le célèbre
raid de Jimmy Doolittle qui arrache sa poignée de B-25 au pont
du Hornet pour trente secondes sur Tokyo. C'est le 24 novembre
1944 que cent onze B-29 s'envolent de Saipan pour foncer vers le
cur de l'Empire avec, à leur tête, Dauntless Dotty. Ce
bombardier au nom canaille assène le premier coup d'une punition
qui durera neuf longs mois, ville après ville (à Tokyo, en une
nuit, 83.000 morts, 40.000 blessés, et 267.000 maisons de bois
et de papier disparues en un brasier gigantesque), jusqu'aux
deux bombes atomiques. Le B-29 est beaucoup moins sympathique
que le Papou.
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