Peu d'années après l'arrivée au pouvoir d'Hitler,
la mise en place d'une puissante propagande antisémite s'adressant
même aux enfants ne pouvait qu'aboutir à la solution finale
(Endlösung). Cette sculpture présente la photographie
d'une sorte de jeu de l'oie impeccablement édité à
Dresde en 1936, que la publicité donne comme un passe-temps hilarant
et follement d'actualité.
Le titre : "les juifs dehors !" et la règle du
jeu annoncent une évidence proche : Auschwitz, symbolisé
par la souquenille du déporté, le zébra du lager.
Celui-ci fut porté durant deux ans par le père de l'auteur,
le NN François Faure, compagnon de la Libération,
aux camps du Stuthof et de Dachau.
À cette époque sa mère, veuve d'Elie Faure,
cachait deux Juifs dans sa maison de Dordogne. L'auteur, malade, partageait
avec eux la seule pièce chauffée de la maison.
Les initiales NN pour Nacht und Nebel (Nuit et Brouillard)
signalaient très poétiquement un classement SS pour les
politiques qui devaient disparaître.
Peu revinrent.
Le 29 mai 1942 Jean Cocteau déjeune avec Arno Breker
qui lui dit, parlant de Hitler : "Jamais la France de se
retrouvera en face d'un homme aussi sensible".
Cette France, dont la majorité des citoyens quoique
peu sensibles à la sensibilité de Hitler ne
voyait pas d'inconvénient à la déportation des Juifs,
dans l'ignorance où elle était de leur liquidation planifiée,
ce qui n'a rien d'une excuse.
Beaucoup, par haine recuite, s'en félicitaient. Certains, en assez
grand nombre, contribuèrent à l'hallali. De "bon Français"
par dénonciation "civique", d'autres par intérêt.
La récupération d'appartements de Juifs fut, par exemple,
durant ces belles années, très en vogue dans les professions
libérales.
Hauts et bas fonctionnaires, policiers, gendarmes, agents des chemins
de fer, d'autres encore prêtèrent leur concours à
cette horreur. Par bonheur on a aussi vu dans ces professions ainsi
que dans toutes les classes de la société des
individualités admirables qui prirent le risque de protéger
les persécutés. Mais rien ne pourra racheter, dans la conscience
de ce pays, la promulgation des lois de 1940 sur le statut des Juifs,
devançant toute pression allemande.
Pur génie littéraire gâté, dès sa prime
enfance, par l'antisémitisme populacier de l'affaire Dreyfus, Louis-Ferdinand Céline
écrivait :
"Volatiliser sa juiverie serait l'affaire d'une semaine pour une
nation bien décidée."
C'était dans une lettre ouverte à Jacques Doriot, en
Mars 1942. On allait imposer l'étoile jaune, puis ce fut le
Vel'd'Hiv et Drancy.
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