Bois peint, émail, résines et laiton.
H.186, L.53, P.58 cm (1992).
Clémence de Biéville
Trente-six sculptures de Jean-Louis Faure
Editions joca seria.
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Marc Bloch, historien remarquable, a écrit "l'Étrange défaite"
réflexions sur l'effondrement français de 1940. Cette
sculpture a pour seul but de faire lire son testament, écrit en
1941. Résistant, il sera fusillé par les Allemands le 16
juin 1944.
Clermont-Ferrand, le 18 mars 1941.
Où que je doive mourir, en France ou sur une terre étrangère
et à quelque moment que ce soit, je laisse à ma chère
femme ou, à son défaut, à mes enfants le soin de régler
mes obsèques, comme ils le jugeront bon. Ce seront des obsèques
purement civiles : les miens savent bien que je n'en aurais pas voulu
d'autres. Mais je souhaite que, ce jour-là - soit à la maison
mortuaire, soit au cimetière - un ami accepte de donner lecture
des quelques mots que voici :
"Je n'ai point demandé que, sur ma tombe, fussent récitées
les prières hébraïques, dont les cadences, pourtant,
accompagnèrent, vers leur dernier repos, tant de mes ancêtres
et mon père lui-même. Je me suis, toute ma vie durant, efforcé,
de mon mieux, vers une sincérité totale de l'expression
et de l'esprit. Je tiens la complaisance envers le mensonge, de quelques
prétextes qu'elle puisse se parer, pour la pire lèpre de
l'âme. Comme un beaucoup plus grand que moi, je souhaiterais volontiers
que, pour toute devise, on gravât sur ma pierre tombale, ces simples
mots "Dilexit veritatem".
C'est pourquoi il m'était impossible d'admettre qu'en cette heure
des suprêmes adieux, où tout homme a pour devoir de se résumer
soi-même, aucun appel fût fait en mon nom, aux effusions d'une
orthodoxie, dont je ne reconnais point le credo.
Mais il me serait plus odieux encore que dans cet acte de probité
personne ne pût rien voir qui ressemblât à un lâche
reniement. J'affirme donc, s'il le faut, face à la mort, que je
suis né Juif ; que je n'ai jamais songé à m'en défendre
ni trouvé aucun motif d'être tenté de le faire. Dans
un monde assailli par la plus atroce barbarie, la généreuse
tradition des prophètes hébreux, que le christianisme, en
ce qu'il eut de plus pur, reprit pour l'élargir, ne demeure-t-elle
pas une de nos meilleures raisons de vivre, de croire et de lutter ?
Etranger à tout formalisme confessionnel comme à toute solidarité
prétendument raciale, je me suis senti, durant ma vie entière,
avant tout et très simplement Français. Attaché à
ma patrie par une tradition familiale déjà longue, nourri
de son héritage spirituel et de son histoire, incapable, en vérité,
d'en concevoir une autre où je puisse respirer à l'aise,
je l'ai beaucoup aimée et servie de toutes mes forces. Je n'ai
jamais éprouvé que ma qualité de Juif mit à
ces sentiments le moindre obstacle. Au cours des deux guerres, il ne m'a
pas été donné de mourir pour la France. Du moins,
puis-je, en toute sincérité, me rendre ce témoignage
: je meurs, comme j'ai vécu, en bon Français.
Il sera ensuite s'il a été possible de s'en
procurer le texte donné lecture de mes cinq citations.
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